La Guyane : un voyage dans le voyage sur les rives du Maroni, de Saint-Laurent à Apatou…
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VOYAGE EN GUYANE – AMAZONIE
Saint-Laurent du Maroni / le fleuve / rencontre Bushinenguée
2019
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En Guyane, A 258km de Cayenne, au coeur de l’Amazonie française, à quelques brasses du Suriname, Saint-Laurent du Maroni s’étale en
apparence paisiblement sur les rives du fleuve. Un kaléidoscope ethnique, de cultures, de couleurs et de traditions teinte
la ville d’une saveur particulière et saisissante. Une ville marquée par l’histoire du bagne, une ville qui aujourd’hui est
rythmée par la vie du fleuve, un fleuve qui ne dort jamais…
Depuis des dizaines de décennies, les Bushinengués, héritiers des Noirs marrons ayant fui les plantations esclavagistes, vivent
de part et d’autre du Maroni. Le fleuve n’a jamais été une frontière pour eux.
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Qui sont les Bushinengués ?
C’est ainsi que l’on désignait, non pour leur couleur mais à cause du mot espagnol cimarron (fugitif), les esclaves noirs qui s’échappaient des plantations.
Dès la fin du XVIIe siècle, le marronage prit une grande ampleur au Suriname et ce mouvement s’est poursuivi pendant deux siècles.
Les marrons trouvaient refuge dans des lieux inaccessibles, dans les profondeurs de la forêt ou dans les hauteurs. Ainsi protégés, ils purent préserver leurs coutumes et leurs rites ancestraux venus d’Afrique.
Le terme Bushinenge veut dire les hommes de la forêt. Les Bushinengués sont donc les peuples descendants des esclaves emmenés au Suriname pour travailler dans les plantations.
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La Guyane, une terre brute
La Guyane m’effrayait certainement un peu, un vaste territoire recouvert d’une dense forêt, seuls quelques fleuves pour rejoindre les régions les plus isolées… l’image de cette terre hostile avec des bêtes peu accueillantes était légèrement ancrée dans mon imaginaire, mais quelque chose d’intriguant se dessinait petit à petit…
Je découvre lors de ce voyage une terre façonnée par l’histoire d’une part, un métissage culturel et ethnique d’autre part, et cette extraordinaire capacité pour tous de conserver leurs particularités, de faire briller les richesses de leur culture, de partager et transmettre, de rencontrer l’autre tout en restant fidèle à leurs traditions et modes de vie.
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Saint-Laurent du Maroni …
le nom de cette ville du fleuve est teintée d’une douce poésie, des images d’un voyage hors du temps viennent nourrir mon imaginaire, et cette notion de vie sur le fleuve me semble inconnue et attise ma curiosité. J’aime particulièrement imaginer à quoi peut ressembler un quotidien ailleurs, loin de mes habitudes, là où le temps s’écoule à une autre allure…
La magie d’un voyage en Guyane
A Saint-Laurent j’ai voyagé, dans l’histoire, dans le temps, en Amérique du sud, en Afrique, en Asie, j’ai perdu mes repères et touché du doigt ce qui me fait vibrer quand je pars découvrir une nouvelle contrée. Très vite je ne comprends plus la langue parlée. La langue officielle en Guyane est le français, mais ce n’est qu’un détail, le créole guyanais ne me semble pas si éloigné, et je découvre rapidement le Taki-Taki (mélange de hollandais, anglais et portugais), cette langue commune parlée en Guyane, au Suriname, par les Bushinengués et les Amérindiens aussi.
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La Guyane, un voyage dans le voyage …
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Saint-Laurent est rythmée par la vie du Maroni, des échanges et trafics en tous genres avec le Suriname ont lieu,
quelques minutes suffisent pour rejoindre Albina en pirogue. Les Guyanais traversent le fleuve pour trouver une
marchandise différente et bon marché, les Surinamais viennent alpaguer la population sur les berges du port
piroguier de la Glacière, pour faire quelques traversées supplémentaires.
Le quartier de la Charbonnière grouille de monde, de pirogues, de brouettes à toute heure. Ce quartier qui date
d’une trentaine d’année avait pour vocation de reloger les populations vivant dans des conditions insalubres
sur les bords du fleuve. Les maisons en bois ont une forme triangulaire, des toits en pente qui frôlent le sol et qui
font référence à l’habitat traditionnel Bushinengué de la forêt.
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au rythme de la vie du fleuve Maroni…
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depuis le quartier de la Charbonnière, sur la rive d’en face, le Suriname, Albina
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je passerai des heures ici, à observer le va et vient des pirogues, la lumière qui modifie la teinte de l’eau, le flottement
de ces fines et délicates embarcations en bois. Elles semblent danser sur l’eau, se rapprocher ou s’aligner, leurs motifs
précis et colorés racontent leurs histoires… me voilà perdue dans cette quête graphique et sensible, au son du taki-taki
de cette fourmilière humaine qui grouille à cette heure matinale…
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le fleuve Maroni
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Long de 611 km entre la Guyane et le Suriname, le Maroni s’étend de l’océan Atlantique au coeur de la forêt amazonienne.
Goûter aux multiples saveurs de Saint-Laurent passe aussi par une escapade en pirogue sur le fleuve en longeant les
villages Bushinengués et Amérindiens. Ici le quotidien n’a plus les mêmes couleurs, les habitations en bois sont nichées
dans la végétation, le fleuve est primordial dans le quotidien des habitants ici. On y pêche, on y circule, mais on y lave
aussi sa vaisselle et son linge, on y joue, on s’y baigne ou on y lave un scooter…
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Halte à Albina
ce voyage au fil de l’eau commence par une halte à Albina, les pirogues se croisent, se doublent, accostent, se chargent et
se déchargent dans un incessant mouvement qui rythme la vie du fleuve… mais très vite le calme de l’eau transporte, la vie
quotidienne, les habitudes si éloignées des nôtres défilent sous nos yeux, la prise de conscience de cette vie plus rude mais si
proche des éléments accompagnent le voyage…
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Un atelier de construction de Pirogues
La pirogue est le principal moyen de transport et celles-ci sont fabriquées selon les méthodes ancestrales dans les ateliers le long du fleuve.
Les enfants sont sollicités pendant les vacances, leurs ainés les initient aux techniques traditionnelles et transmettre leurs savoirs-faire.
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Dans cet atelier à ciel ouvert nous avons la chance de voir plusieurs pirogues à différents étapes de leur fabrication. Les techniques n’ont
pas changé, les outils modernes côtoient les outils traditionnels, les jeunes s’affairent tout en s’échappant un peu sur leurs smartphones,
les époques se rencontrent ici…
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Fabriquer une pirogue Guyanaise
Un imposant tronc d’angélique est choisi en forêt pour sa taille et sa droiture. Plusieurs semaines sont des fois nécessaire pour le débiter. Le tronc est creusé sur tout son long, pour être dégrossi et constituer la coque de la pirogue.
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Fabrication pas à pas
La technique d’élargissement au feu de la coque permet d’obtenir une pirogue large à partir d’un arbre de faible diamètre. L’ingéniosité de cette technique repose sur la plasticité du bois d’angélique. Pendant cette étape des pièces de bois de plus en plus longues sont délicatement placées entre les bords de la coque pour agrandir l’ouverture. Deux larges planches viennent rehausser les bords de la coque, l’étanchéité étant assurée par une plaque de fer à la jointure du tronc et des planches. Une pièce de proue et une pièce de poupe, généralement taillées dans un arbre voisin, sont ensuite fixées à l’avant et à l’arrière de la pirogue, afin que l’eau ne s’y engouffre pas lors du passage des sauts. Celles-ci deviennent également des éléments décoratifs et sont ornées par des peintures tembés.
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l’art du fleuve guyannais
L’art Tembé ou l’art du fleuve, représente des formes géométriques colorées qui s’entrelacent. Les motifs et couleurs ont une signification symbolique et transmettent des messages, de courage, de bonheur, d’un avenir heureux, de la protection, etc… Le Tembé n’est jamais le fait du hasard : c’est un travail sur soi, une initiation pour atteindre équilibre et harmonie. Il est représenté sur les objets du quotidien, la pirogue, la pagaie, le peigne, les portes et sous forme de peintures ornementales. Certains disent que toutes ces lignes qui se croisent, tournent, resurgissent soit par-dessus, soit par-dessous les unes des autres, sont comme le labyrinthe où se réfugiaient les fugitifs.
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Filer ainsi au fil de l’eau, sentir les éclaboussures de l’eau du fleuve, se rapprocher des berges, observer cette végétation dense et cette vie qui se déroule sous nos yeux transporte encore. Un nouveau voyage dans le voyage… un quotidien loin de ce que l’on image.
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Sur le Maroni, en direction de Saut Hermina et Apatou ; toute la splndeur de la Guyane
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le Maroni, une destination dans la destination… un jour j’y retournerai, plusieurs jours, jusqu’à Maripasoula ou plus loin encore… un doux rêve…
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voyager en Guyane, à Saint-Laurent, Mana, Cacao, …, c’est voyager dans le monde, à la rencontre de cultures, de traditions.
J’ai été touchée par ces rencontres, par cette gentillesse et cette générosité dans le partage… un jour en particulier…
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une rencontre bushinenguée
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Ce jour-là, partie à la quête d’artistes pour comprendre un peu davantage l’art Tembé, je rencontre cette famille regroupée
sous un carbet en train de nettoyer et laver les racines de manioc, pour la production du couac, la farine de manioc. La famille
se réunit ainsi pendant plusieurs jours, chacun s’adonne à ses tâches en discutant, en rigolant, les enfants lavent les racines
en chantant « vive le vent d’hiver » et en jouant un peu avec l’eau aussi… ma venue les distrait et très vite ils oublient les tubercules
et préfèrent jouer à poser devant mon objectif, avant de me montrer où ils vivent. Les mamans sont fières de me faire visiter leur
habitation, la cuisine, tout en m’expliquant le processus de fabrication de la farine, et de m’offrir un précieux paquet de leur production.
Je ne pourrai malheureusement assister à la dernière étape, à laquelle j’ai été chaleureusement conviée. Ce moment de partage
était si touchant… ces regards si vrais…
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Le couac
le couac : la racine est lavée, épluchée et macère dans l’eau avant d’être râpée. La bouillie obtenue est introduite dans une couleuvre, une vannerie en forme de tube très allongé. La couleuvre est ensuite étirée pour presser la pâte et en extraire le jus toxique. La farine se concentre généralement dans le bas de la couleuvre. La pulpe est alors effritée et tamisée à l’aide d’un manaré tressé. Le couac est un ingrédient de base de la cuisine bushinenguée et amérindienne, elle est considérée comme une farine inaltérable, résistante aux insectes et à l’humidité.
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des émotions, des images et des mots, ou des images qui se passent de mots…
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la Guyane et tout ce que l’on en dit… ne le répétez pas trop fort, mais y aller c’est
se laisser surprendre, c’est aimer, c’est être happée et avoir l’envie d’y retourner…
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Superbe découverte ! C’est un endroit que l’on retrouve peu dans des articles de blog, c’est très instructif et en même temps on a l’impression que c’est proche sans l’être. Je vois des affichages en euro, mais je me questionne souvent sur ces départements et territoires d’Outre-Mer, quel est leur rapport à la métropole. Leurs modes de vie sont assez différents et en même temps, il y a plein de similitudes, c’est intriguant ! 🙂
Une découverte pour moi, je ne connaissais pas cette région du monde, cette culture, ce peuple… merci pour ce beau reportage chaleureux.